Martin Staub
Maire et conseiller administratif à Vernier
Dans une grande commune, les nombreux atouts de la municipalisation révèlent l’importance de cette prestation de service public.
François Mireval : Peux-tu nous rappeler les chiffres essentiels pour connaître politiquement Vernier ?
Martin Staub : La commune compte plus de 35’000 habitantes et son budget se monte à 120 millions.
Et dans le domaine de la petite enfance ?
Nos huit structures emploient 250 personnes pour 200 équivalents temps plein (ETP). Elles offrent actuellement 350 places, mais accueillent en réalité 600 enfants grâce aux temps partiels. Une centaine de places supplémentaires s’y ajouteront bientôt. Les accueillantes familiales de jour (AFJ) proposent, de leur côté, 40 places. Malgré toutes ces possibilités, seul un tiers des enfants de la commune y accède (sans compter les enfants des employé-e-s SIG) : il y a 600 noms sur la liste d’attente, essentiellement dans la tranche d’âge de 0 à 2 ans. Il demeure que ce chiffre est en augmentation et la réponse aux besoins ne veut pas dire qu’il y a autant de places que d’enfants et que la demande est à peu près satisfaite pour les 3 à 4 ans.
Quelle est l’histoire de ces institutions ?
Tout a commencé en 2002. Seules 50 places étaient alors disponibles dans quelques structures associatives. Sous l’impulsion du PS et du Parti du Travail, dont le poids était important à l’époque, la municipalisation a fini par être acceptée de haute lutte par notre Conseil municipal.
Il en a d’abord résulté une centralisation des inscriptions (sans même que le Conseil administratif ne s’en mêle !) avec un secrétariat unique et un règlement commun. Je tiens à souligner que, non seulement il n’en a résulté aucune augmentation de l’administration puisqu’un poste à 30% a suffi à l’accomplissement de cette tâche, mais de plus cette centralisation a permis d’importantes économies d’échelle entre ces structures, contrairement à ce que la droite craignait.
Par ailleurs, la question importante du rattrapage du 2ème pilier mérite un traite-ment particulier : le personnel de la petite enfance obtient des conditions de travail généralement plus favorables, la question éminemment politique est donc de savoir qui paie ce rattrapage, respectivement comment il est reparti, entre l’employeur et les employé-e-s. Cela doit être réglé entre les partenaires sociaux.
Quel bilan fais-tu aujourd’hui de cette muni-cipalisation ?
Les avantages sont si nombreux que je risque d’en oublier ! Politiquement, disposer dans la commune d’un Service de la petite enfance (SPE) est clairement un service régalien à offrir à la population. Ce SPE offre une prestation publique professionnelle qui dépasse de loin une « simple » garderie. Il s’agit de pourvoir à une obligation d’accueil, même si, et c’est mon seul regret, la nécessaire création de nouvelles crèches n’en est pas facilitée pour autant.
À Vernier, nous proposons ainsi un vrai pro-jet politique commun, qui est ensuite décliné par chaque institution selon ses spécificités propres. Régulièrement, le partage de leurs expériences dans un processus bottom-up (qui part donc du terrain) aboutit à une politique de la petite enfance qui est cohérente et active. J’insiste en passant sur le soulagement que représente pour ces structures le fait d’être déchargées de leurs problèmes administratifs et d’une bonne partie de la gestion administrative des ressources humaines !
En résumé, grâce à la professionnalisation de ce métier et à la responsabilisation de ses actrices et acteurs, en y ajoutant la mutualisation des ressources et la mobilité horizontale entre institutions, nous obtenons efficience et synergies dans notre politique de la petite enfance.
Même en période de crise, comme celle que nous traversons actuellement avec le COVID ?
Clairement oui ! Par exemple, notre pool de remplacement centralisé a permis à toutes les structures verniolanes de rester ouvertes tout au long de cette difficile période, même si ce système ne protège évidemment pas contre toutes les situations critiques. En revanche, en Ville de Genève notamment, la sectorisation a compliqué le processus de remplacement, ce qui a pu, selon moi, contribuer à la fermeture de certaines structures.