Nathalie Leuenberger
Conseillère administrative à Meyrin
Quand une entité publique mise sur la qualité des prestations avant toute autre considération, la municipalisation est une évidence.
François Mireval : Peux-tu nous donner quelques chiffres pour comprendre la situation actuelle à Meyrin ?
Nathalie Leuenberger : La commune héberge 26’000 habitants. Son administration emploie près de 700 personnes, ce qui correspond à 400 équivalents temps plein et de nombreux auxiliaires. La petite enfance, de son côté, emploie globalement 220 per-sonnes pour 500 enfants dans les crèches. Ce chiffre peut paraître élevé, mais il couvre à peine le tiers des besoins : la liste d’attente est longue de 500 noms ! Il y a le même nombre d’enfants dont les parents ne font pas appel à la commune sans que l’on en connaisse la raison.
À quand remonte la municipalisation de ce service ?
Historiquement, le développement de cette prestation a toujours été municipal ! La présence du CERN en est une des causes, puisque son personnel en avait besoin. Par exemple, dans les années 70, il y avait 90 places disponibles. Comme aujourd’hui, elles représentaient le tiers des effec-tifs de cette tranche d’âge. Il est d’ailleurs frustrant que ce pourcentage, malgré les demandes des familles, reste constant en raison de l’évolution démographique : il est difficile de l’augmenter.
Par ailleurs, j’ai appris récemment que les scientifiques scandinaves acceptent moins qu’il y a quelques années de venir travailler au CERN, en raison de la faiblesse des prestations sociales et familiales en Suisse par rapport à celles offertes dans leur pays d’origine.
Quels sont les avantages de cette munici-palisation pour la population ?
Comme cette prestation dépend de la com-mune, c’est sa qualité qui prime sur toute autre considération. Au moment des ins-criptions, tout est transparent, identique et compréhensible pour toutes les familles et toutes les crèches concernées : procédures, prix, taux d’encadrement. Autre avantage pour la partie contractuelle : la séparation étanche entre les secteurs administratif et éducatif assure la confidentialité de la situa-tion de chaque famille. Nous assurons ainsi une réelle égalité des chances et un même traitement pour toutes et tous.
Du côté du service de la petite enfance, c’est la même gouvernance qui peut s’appliquer partout, en adaptant la gestion des équipes à la taille et aux spécificités de chaque crèche et en assurant un service de remplacement interne pour lequel 30 personnes sont disponibles sur appel.
De plus, la formation spécifique du personnel est municipale elle aussi, et nous offrons ainsi 14 places d’apprentissage ! La taille du service assure la mobilité interne de ce personnel, selon les projets pédagogiques propres à chaque crèche, ainsi que de nombreuses possibilités de progression professionnelle. Chaque année, une journée de team building est consacrée à un thème précis pour l’ensemble de l’encadrement, ce qui contribue bien sûr à la cohésion des équipes. Par exemple, il y a eu la sensibilisation au développement durable. Un autre thème s’est révélé important : la place des écrans. En effet, même les enfants des crèches (donc jusqu’à 4 ans) sont concernés puisque quelques parents en usent et abusent hélas déjà avec leur progéniture.
Politiquement, la droite meyrinoise tente-t-elle de privatiser ce système ?
Absolument pas. Non seulement elle admet sa pertinence, mais elle souhaite même son développement, en particulier depuis l’acceptation par le peuple du salaire mini-mum…
Y a-t-il des familles qui recherchent des solutions plus « légères » que la crèche ?
Oui, bien sûr : l’Accueil familial de jour (qu’on ne doit plus appeler maman de jour) est une autre possibilité. Il est géré par une association intercommunale et régi par des contrats de droit privé. Nous avons cependant veillé à ce que la procédure d’inscription reste communale, ce qui préserve les avantages décrits plus haut pour les fa-milles.
Quel est encore l’immense avantage de la municipalisation que tu tiens à nous présenter ?
Il concerne les enfants à besoins éducatifs particuliers. Parfois, les structures privées ne peuvent pas les accueillir, par choix ou par manque de moyens. A Meyrin, ces enfants représentent actuellement 25% des effectifs : c’est beaucoup, et le système n’est sans doute pas prêt pour plus de cas. Nous leur offrons divers accompagnements et soutiens, tant pédagogiques que psychologiques. Surtout, nous préparons activement et soigneusement leur inclusion à l’école obligatoire, en lien avec celle-ci. Cette démarche est nécessaire et indispensable. Ces jeunes doivent pouvoir se trouver une place active dans le monde. C’est d’autant plus important que l’avenir de nos rentes AVS en dépend…