Les comités de parents, un système en fin de course

Evelyne Broillet-Ramjoué, présidente de la FGIPE
Claudia Lopez Battolo, secrétaire de la FGIPE

En Ville de Genève, les institutions de la petite enfance (crèches, jardins d’enfants et crèches familiales) fonctionnent grâce à des comités de parents bénévoles qui sont de fait les employeurs, la Ville n’étant que l’entité qui subventionne ces institutions. Ces comités sont représentés au sein de la Fédération Genevoise des Institutions de la petite enfance (FGIPE). Causes Communes a rencontré la présidente de la FGIPE, Evelyne Broillet-Ramjoué, ainsi que la secrétaire, Claudia Lopez Battolo.

Dalya Mitri : D’après votre longue expé-rience, quels sont les principaux enjeux, notamment de gouvernance, pour les institutions de la petite enfance en ville de Genève ?

Evelyne Broillet-Ramjoué (EBR) : Nous sommes actives au sein de la FGIPE de-puis 2013, nous représentons les comités employeurs des institutions de la petite enfance (IPE) et nous avons assisté à de nombreux changements qui ont fait apparaître de nouveaux défis pour ces comités de parents bénévoles. Par exemple, la mise en secteur des IPE, c’est-à-dire le regroupement des crèches par secteur géographique, a rendu plus abstrait l’engagement des parents, qui peuvent s’identifier facilement à la structure fréquentée par leur enfant mais trouvent plus difficile de défendre d’autres institutions. La règlementation s’est également complexifiée, au niveau de la ville mais aussi au niveau cantonal et fédéral, pour de bonnes raisons certes, comme la protection des enfants ou la qualité de l’accueil. Il faut considérer que cet engagement bénévole est souvent pour de jeunes parents leur premier engagement citoyen, qui se retrouvent à gérer des situations complexes auxquelles ils et elles ne s’attendaient pas. Les comités peuvent se tourner alors vers la FGIPE pour demander de l’aide, comme dans le cas d’une rupture de confiance entre un comité et la direction des IPE ou des secteurs.

Il faut néanmoins reconnaître que certains comités fonctionnent très bien, mais ce sont souvent des comités qui mélangent an-ciens et nouveaux membres, ce qui assure une certaine stabilité.

Claudia Lopez Battolo (CLB) : En effet, les comités se renouvellent continuellement et ils doivent faire face à un système complexe qui comprend des relations tant avec la direction des institutions, qu’avec le service de la petite enfance de la Ville ou en-core le SASAJ (Service d’autorisation et de surveillance de l’accueil de jour, au niveau cantonal). C’est pourquoi des personnes qui connaissent l’historique garantissent un certain équilibre. Dans ces situations où on retrouve beaucoup d’intervenant-es, beaucoup d’interactions avec différent-es partenaires, cela rend le rôle de la direction des IPE prépondérant. Toutefois, dans le cas d’une mauvaise communication entre comités et direction, la situation peut se compliquer.

Que pensez-vous des différents scéna-rios proposés pour réformer ce secteur : fondation de droit public ou privé, munici-palisation complète, municipalisation par étapes ?

EBR : A titre personnel, la municipalisation est l’idée que je connais le mieux. J’ai participé durant plusieurs années aux travaux menés autour de la municipalisation avec le magistrat M. Tornare, et suivi l’évolution voulue par d’autres magistrats, comme Mme Alder, qui a proposé un projet de fondation. Ce projet de fondation reste néanmoins très flou, même en terme de statuts et ou en terme de projection financière, de plus il sera très coûteux. Le nouveau projet de municipalisation par étapes proposé par Mme Kitsos a le mérite de présenter une projection financière, et le processus par étapes n’est pas étonnant dans le contexte actuel ou une municipalisation en bloc semble difficile. Peu importe la manière, il faut que le système actuel change !

En ce qui concerne les deux statuts qui vont co-exister durant quelques temps pour le personnel, avant que la municipalisation complète ne soit achevée, Mme Kitsos pro-pose de faire progressivement évoluer la CCT actuelle afin de la rapprocher du statut municipal. Les négociations avec tous les partenaires sociaux ne seront certes pas simples. Mais Mme Kitsos a veillé à associer les comités de parents à l’élaboration de ce projet, ce qui facilitera vraisemblablement son acceptation. En revanche, elle ne peut maîtriser les différentes positions des partis de gauche, notamment des Vert-es qui donnent leur préférence à d’autres projets de réforme, comme la création d’une fondation.

CLB : La FGIPE est plutôt favorable à ce pro-jet, malgré certains problèmes de fond qui restent à discuter, parce qu’il permettra d’apporter une solution sous la forme d’un employeur unique. Effectivement, nous avons bon espoir que cela facilite beaucoup de choses, notamment la problématique des remplacements (créer un pool de rem-plaçant-es unique). Il faudra cependant veiller à ne pas créer de différences entre employé-es soumis à la CCT et ceux et celles concernées par la municipalisation.

Dans le cas d’une municipalisation, quel est le meilleur moyen de continuer à impliquer les comités de parents ?

EBR : On peut imaginer un parallèle avec ce qui se fait dans l’enseignement obligatoire, du type Association de Parents d’Elèves. Mais ces associations s’essoufflent, comme souvent dans le domaine du bénévolat, donc il s’agit de réfléchir à réviser le modèle, le faire évoluer. Il faudrait revoir les moyens de communiquer par exemple. Sur le terrain, on peut constater les difficultés de renouvellement des comités, en raison de l’évolution des rythmes de vie des jeunes parents qui travaillent souvent tous les deux, et qui ne trouvent pas le temps pour du bénévolat sur le long terme. Ce n’est pas du dogmatisme, ni un discours politique que de dire que le système est en fin de course, c’est une constatation de ce qui se passe sur le terrain, et je tiens à transmettre ce message aux parties qui refusent de voir cet aspect de la réalité.

Le travail des comités est fondamental, et beaucoup de parents sont très enthousiastes, c’est un aspect très positif même s’il faut être conscient d’une autre réalité du terrain, qui est peu connue : cet engage-ment amène beaucoup de responsabilités qui sont parfois trop lourdes à porter.

CLB : Dans le système actuel, les responsabilités qui incombent aux parents bénévoles sont très lourdes et ne sont pas toujours reconnues, surtout quand cela fonctionne sans trop d’accrocs. On ne reconnaît sou-vent le rôle d’employeur du comité qu’en cas de problèmes, au niveau de la gestion du personnel par exemple. La FGIPE, en tant que faîtière, est présente pour soutenir les comités en difficulté mais aussi et surtout comme ressource et soutien pour tous les comités de parents.

Concernant le rôle futur des comités, on constate avec l’engagement des jeunes en faveur du climat que les personnes n’hésitent pas à s’investir, c’est plutôt le type de bénévolat qui a changé : on s’investit pour défendre une cause. L’aspect ressources humaines ou gestion, très présent dans les comités des IPE, n’attire plus ; et surtout la professionnalisation de ce secteur appelle certaines compétences que les parents n’ont pas ou ne pensent pas avoir. En revanche, s’il s’agit de trouver des idées créatives pour améliorer l’institution d’accueil de leur enfant, les parents ont un rôle à jouer : développer des projets communs avec l’IPE, des activités avec les bibliothèques par exemple, ou avec les seniors !

Dans le cadre du projet de municipalisation, il est nécessaire de continuer à consulter les membres pour recueillir leurs idées et propositions afin de définir ensemble leur nouveau rôle