Entretien Causes Communes
Carole-Anne KAST
Conseillère administrative Onex
François Mireval : Selon toi, quels sont les trois principaux enjeux cantonaux liés au numérique ?
Carole-Anne Kast :
- L’administration numérique
- L’inclusion numérique
- Les enjeux du télétravail
Comment agirais-tu par rapport à chacun d’entre eux si tu étais élue au Conseil d’Etat ?
- Le numérique représente une opportunité extraordinaire pour un service public efficient. Mais il faut l’admettre, l’administration cantonale souffre d’un retard significatif dans le développement de ses prestations numériques. A cela s’ajoute une ergonomie datée et des accès peu évidents qui sont le reflet de l’organisation actuelle : cloisonnée, rigide et sans vision globale.
Ce sont également les outils mis à disposition des collaborateur-trices qui sont peu performants. De grosses disparités existent entre les Départements tant sur la numérisation de la prestation que sur la mise à disposition de logiciels performants.
Dans ma vision de l’administration publique, les usagers doivent bénéficier en premier lieu de la numérisation. Les déploiements doivent être orientés dans cette direction afin que les projets répondent aux besoins du public et qu’il puisse facilement se les approprier.
2. Corollaire du point précédent, l’inclusion numérique doit être mise en œuvre à tous les échelons du service public. Celle-ci doit être pensée comme intrinsèque à l’administration numérique : l’accès au numérique doit être garanti en maillant le territoire cantonal d’un réseau fort constitué de tous les lieux de délivrance des prestations publiques (services sociaux, clubs d’ainés, des maisons de quartier, grands offices cantonaux et communaux, etc.). Tout endroit où la population est appelée à se rendre pour effectuer une démarche ou une activité doit être équipée d’un accès gratuit au numérique, y compris l’impression de documents. Ce dispositif doit être complété par des médiateur-trices numériques, qui fournissent conseils et accès facilités aux prestations et qui peuvent également détecter les besoins et jouer un rôle charnière entre l’administration et le public.
3. L’épidémie du COVID-19 a rebattu les cartes et opéré un changement complet de paradigme en matière de télétravail. De l’exception, le télétravail est devenu partie prenante du système organisationnel des entreprises, publiques comme privées. Il faut dès lors se poser la question de l’accompagnement et des conditions de travail. Au plus fort de la crise, tout le monde a “bricolé” un espace de travail comme il le pouvait. La majorité des travailleur-euses s’est retrouvée avec un ordinateur installé sur le coin de la table de la cuisine ce qui n’est pas acceptable.
Pour que le télétravail puisse être une plus-value pour l’employé comme pour l’employeur, les questions d’ergonomie, de matériel et de droits doivent être traitées. En effet, si le télétravail permet ponctuellement un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, ce qui explique probablement que les employé-es le revendiquent, il n’est pas sans problème lorsqu’il est imposé par l’employeur ou lorsqu’on ne se soucie pas des aspects de santé au travail et du lien social.
C’est pourquoi, l’Etat employeur doit poser le principe d’un droit au télétravail un jour par semaine au minimum, tout en fournissant les outils (techniques, matériels, accès, logiciels) nécessaires aux collaborateurs qui en font usage.
Que souhaites-tu nous dire de plus sur le sujet du numérique ?
Le numérique est une formidable opportunité pour démocratiser l’accès aux prestations et accroitre l’efficience du service public. Mais comme tout outil, il peut être un instrument d’émancipation ou d’oppression selon le but qu’il sert.
Il est donc fondamental qu’il soit saisi et pensé par les pouvoirs publics dans l’optique de service aux usagers et comme un moyen de rapprocher l’administration du citoyen. Son déploiement doit donc toujours être accompagné d’un objectif de développement du pouvoir d’agir du public auquel il s’adresse.
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