Kelly Corstjens
Co-fondatrice et présidente de SNA
La Swiss Nanny Association (SNA) est une organisation à but non lucratif, fondée en 2016 par des nounous professionnelles. Nous avons voulu offrir cette page à SNA car ses efforts vont dans le même sens que celui de la municipalisation : reconnaissance du travail du care, lutte contre la précarité de celles et ceux qui gardent nos enfants, notamment lorsque les places en institutions de la petite enfance viennent à manquer.
Car il ne faut pas l’oublier, le travail au noir dans ce secteur est endémique, et certain-es de ces travailleuses et travailleurs se sont, elles et eux aussi, retrouvé-es dans les files des Vernets en 2020. Rencontre avec Kelly Corstjens, co-fondatrice et Présidente de SNA, offrant à ses membres et au grand public une communauté, des conseils et une éducation.
Sylvain Thévoz : Qu’est-ce que la SNA, quels sont ses objectifs et moyens ?
Kelly Corstjens : La SNA est une organisation à but non lucratif qui a pour mission d’élever les normes professionnelles du secteur, et d’accroître la reconnaissance et le soutien aux nounous professionnelles, le tout afin de favoriser l’emploi légal et la qua-lité d’accueil en milieu familial. La vision de la SNA est un secteur de la garde d’enfants à domicile entièrement réglementé, avec un emploi légal et des salaires équitables. Nous visons aussi une garde d’enfants de plus grande qualité assurée par des nounous habilitées et formées afin que chaque enfant bénéficie du meilleur service de garde possible.
Qui sont les membres de SNA, y a-t-il des profils spécifiques ?
Nos nounous membres viennent du monde entier et sont d’âges et d’origines variés. Actuellement, 34 nationalités sont représentées dans la SNA. Il existe deux types de profil différents. Il y a tout d’abord des personnes travaillant comme nounou sans qualification en matière de garde d’enfants, qui sont venues en Suisse pour diverses rai-sons et ont commencé à travailler comme nounou. Beaucoup de ces membres considèrent désormais la garde d’enfants comme leur carrière professionnelle, tandis que d’autres sont sans papiers et estiment qu’elles et ils n’ont pas d’autre choix. L’autre type de profil est formé d’éducateurs et éducatrices de la petite enfance ou de nounous diplômé-es par exemple du Norland College, au Royaume-Uni, et qui ont commencé à travailler en Suisse ou qui ont une mission temporaire ici.
Quelles sont les principales difficultés aux-quelles font face les nounous ?
ll n’y a pas d’exigences légales ou de réglementations pour les nounous, et cela a contribué à faire perdurer l’idée qu’être nounou est un travail non qualifié. Travailler dans des maisons privées est souvent une profession très solitaire. On observe en particulier un manque de connaissance de la loi et des droits en Suisse chez les employeurs et les nounous, de nombreux emplois pro-posés aux nounous sont payés sous le salaire minimum avec de longues heures de travail.
Y a-t-il également des hommes qui officient comme nounous ou est-ce un milieu massivement féminin, comme le sont encore beaucoup de métiers du care ? Pourquoi ?
La SNA compte 7 membres masculins sur 153. La garde des enfants est toujours considérée comme « un travail de femme », quelque chose que nous faisons par amour pour les enfants, de manière informelle, pas comme un emploi à part entière et certainement pas comme carrière. Cela rend le travail peu attrayant, surtout pour les hommes. Les hommes qui travaillent dans ce domaine gagnent généralement un salaire plus élevé et sont souvent appelés tuteurs/enseignants même s’ils font le même travail que les nounous femmes.
L’introduction du salaire minimum à Genève (23 CHF de l’heure) a-t-il changé quelque chose dans la dynamique d’engagement des nounous ?
L’introduction du salaire minimum nous a permis et nous permet d’expliquer plus facilement aux familles et aux nounous que le travail domestique est un travail en Suisse et que le salaire minimum s’applique à Genève. Cela aide également les nounous qualifiées à demander plus que le salaire minimum. Peu de temps après l’instauration du salaire minimum, plusieurs de nos adhérent-es ont demandé une augmentation (le salaire minimum pour les travailleur-euses domestiques était de 19,50 CHF selon la Convention collective de travail), la majorité des nounous déclarées ont vu leur salaire être adapté tandis que certaines sont allées à l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (OCIRT) pour réclamer le salaire minimum. On observe aussi que les employeurs déclarent et paient moins d’heures que réellement travaillées. Cela ramène le salaire horaire sous le salaire minimum. Il ne nous a été rapporté qu’un seul cas où un membre a été licencié parce que l’employeur n’était pas en mesure de payer le salaire minimum.
Qui fait appel à des nounous ? Il y a-t-il des attentes particulières ?
Les familles qui veulent une solution individuelle de garde de leurs enfants, en 1-pour-1, choisissent délibérément une nounou. Les familles qui ne trouvent pas de place en crèche embauchent temporairement une nounou jusqu’à ce que leur enfant ait une place. Mais il y a aussi des familles qui ont besoin de soins en dehors des heures d’ouverture de la crèche et du parascolaire.
Le travail au noir est très prégnant dans l’économie domestique et dans le domaine du travail domestique. Quels sont, à votre avis, les moyens pour lutter contre ce dernier ?
La SNA s’efforce d’augmenter le nombre de nounous employé-es légalement et pense qu’en informant à la fois les familles et les nounous des règles existantes, nous pourrons atteindre cet objectif. Nous avons be-soin de plus de contrôles dans les familles privées, et de contrôles sur les agences opérant sans licence. Nous aidons nos adhérent-es à préparer leur dossier auprès de l’OCIRT, en expliquant comment rassembler des preuves par exemple, et référons les adhérent-es aux syndicats et autres associations en cas de conflit.