La fracture numérique comme facteur d’exclusion

  • 1 juin 2022

Causes Communes

Jean-Marie MELLANA
Membre du Comité du PS Ville de Genève
Secrétaire administratif à l’APEGE (Association Des Pensionné·
es de l’État de Genève)
Référent social et Écrivain public

En Suisse, 1,5 million de personnes ne possèdent que peu ou pas du tout de compétences en matière numérique. Les études montrent que c’est la population précarisée qui est la plus touchée, l’illectronisme entretient des liens étroits avec l’exclusion sociale. Cet article propose des pistes pour y remédier.

Internet est devenu incontournable, aussi bien pour rechercher un travail que pour percevoir ses droits au chômage et à l’aide sociale. Le versement des indemnités passe par une inscription sur une plateforme en ligne et par un report mensuel des recherches sur celle-ci. Bon nombre d’assurés sont incapables de le faire, ce sans compter les candidatures en ligne. Des cours de base sont insuffisants, un accompagnement individuel est plus efficace, il familiarise la personne avec ces outils tout en instituant un lien humain.

Le SECO (Secrétariat d’Etat à l’économie) présente cette migration comme un progrès, mais tous les intéressés sont-ils outillés pour répondre à ces exigences ? Non, d’où des inégalités d’accès au marché de l’emploi. Si l’usage de ces outils est annoncé comme obligatoire par les ORP (offices régionaux de placement), le progrès social n’est pas tant dans la numérisation des procédures que dans l’accessibilité des outils aux personnes exclues. 

Les usages concernés ne sont pas ceux des jeunes à l’aise sur les réseaux sociaux. Dès que l’on quitte l’usage ludique, la gestion de base de la boîte e-mail, le téléchargement de pièces, la saisie de formulaires, la recherche d’informations, la connexion ou l’inscription en ligne, tout cela peut s’avérer très difficile. Il est inadmissible que des droits comme la protection contre le chômage soient refusés sous prétexte de non-maîtrise numérique. On doit pouvoir trouver de l’aide pour l’accomplissement de ces démarches, or plus de personnes que l’on croit n’ont pas cette ressource dans leur entourage.

Une enquête de l’OSEO (Œuvre suisse d’entraide ouvrière) faite en 2020 montre que « même si chaque personne pouvait posséder un smartphone, un ordinateur ou une tablette, ainsi qu’une connexion Internet et un espace adapté, il n’en reste pas moins qu’un peu plus de 50% des personnes interrogées (310 personnes) n’ont pas les compétences pour l’utilisation autonome ». 45% des jeunes sondés n’ont pas d’ordinateur à la maison. Ce sont des demandeur-deuses d’emploi de toutes origines (jeunes en rupture, adultes à l’aide sociale et à l’AI). À l’heure des postulations et des cours en ligne, du développement des entretiens d’embauche par visioconférence, l’OSEO qualifie la situation de préoccupante.

Les ORP ne fournissant aucune aide, les assurés se retournent vers les associations, et les cours dans le privé étant hors de prix, il ressort ainsi une forte demande de formation et d’accompagnement.

Le Parti socialiste doit proposer des solutions concrètes, voici quelques exemples :

  1. Établir une cartographie de l’exclusion numérique par catégories de population : le but est de viser tout le monde. (Proposition de Léna Strasser, députée PS).
  2. Renforcer le droit à la connexion (couverture WI-FI).
  3. Garantir l’accessibilité aux services publics, en éliminant les obstacles de tous types (dont les obstacles numériques). Les prestations numérisées doivent aussi pouvoir être réalisées de manière physique. Les députés doivent légiférer sur le sujet.
  4. Établir des structures combinant accueil physique et accompagnement numérique, regroupant plusieurs services (facilitation numérique et administrative). L’objectif est aussi le passage vers l’autonomie. Dans ces locaux, des cyberespaces sont à disposition, permettant aux personnes un peu autonomes mais sans matériel à la maison d’effectuer leurs e-démarches.
  5. Les bibliothèques et médiathèques, les centres de jeunes, les communes, les maisons de quartier, les associations, pourraient accueillir ces structures. Des partenariats avec le privé peuvent être mis sur pied.
  6. Dans ces lieux travailleront des aidants numériques, qui accueillent, informent et accompagnent. Des civilistes formés pourraient occuper cette fonction.
  7. Mettre en place une formation d’aidant numérique pour les personnes intéressées.
  8. La formation de base à l’utilisation des outils numériques permettant les e-démarches doit être offerte.
  9. Ouvrir des espaces collaboratifs d’échange de services, dotés du matériel adéquat. (Proposition de Léna Strasser, députée PS).
  10. Mettre en place un Fonds de soutien pour l’inclusion numérique, en charge du financement de ces structures et de la rétribution des aidants.
  11. Les bénévoles non indépendants financièrement œuvrant dans les associations devraient être rémunérés, pour services rendus à la communauté.

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